Elle avait toujours ressenti cette imperceptible dualité
Entre la tempérance et l’évolution de sa personnalité.
Le calme et la tempête, le changement et la stabilité
La colère la douceur, l’égoïsme la générosité.
Et pour elle, tout être humain était marqué par ses composantes,
Mais faisait le choix d’en privilégier une de façon constante.
La plupart du temps, c’était la stabilité qui prenait le dessus.
Car notre monde était organisé autour de ce but absolu,
Pour nous transformer progressivement en petites vaches à lait,
Profitant de notre élasticité
Psychique dégressive à mesure des années.
Tout était parfaitement ficelé.
Alors, laissez-moi vous faire part de ce programme enchanté
Même si je vais surtout vous conter des évidences
On nous apprenait dès le plus jeune âge que la consommation
Était de raison même à outrance,
On nous apprenait que la rue n’était pas en notre possession
Que la publicité y avait une place plus légitime que l’art et la contestation,
On nous apprenait que les femmes étaient des corps à disposition
Avant d’être des cerveaux en ébullition,
On nous apprenait que la terre n’était pas nôtre
Et qu’il fallait la payer pour qu’elle nous escorte,
On nous apprenait qu’il fallait se mettre en couple et faire des bébés
Alors que seule la gravité empêchait les corps de déborder
De la surface des pavés,
On nous apprenait que les écrans étaient
Un miroir représentatif de la réalité,
On nous apprenait que le béton était la normalité
Que franchir le passage clouté était une loi à ne pas discuter
On nous apprenait que les religions faisaient plus de mal que de bien
Et que ces dégénérés étaient vraiment pas malins
De croire en tous ses gourous manipulateurs malsains,
On nous apprenait qu’on ne pourrait pas gouverner
Parce qu’on n’y connaissait rien,
Parce qu’il y avait trop de cons pour faire confiance à son voisin,
On nous apprenait que dans d’autres contrés
C’était pire, parce que la guerre éclatait
Alors qu’ici nous étions en douce démocratie,
On nous apprenait que pour garder ce semblant de paix
Il fallait un peu se méfier des étrangers qui débarquaient,
On nous apprenait que seul 26 personnes détenaient
La moitié des richesses de notre globe
Et que ce n’était pas si illogique,
Parce que dans le fond on était que des microbes
Par rapport à leurs buts économiques,
On nous apprenait qu’il fallait un boulot stable à ne surtout pas lâcher
Parce que beaucoup étaient au chômage, à galérer,
Alors fallait pas se plaindre de la situation
Sinon c’était la descente aux enfers avec les dettes, la rue, l’exclusion,
La déchéance sociale physique psychologique, jusqu’à l’aliénation,
On apprenait, à chaque bel esprit errant de son côté,
Que l’autre était foncièrement mauvais.